Kerr, Philip - Les Ombres de Katyn- Éditeur : Le Masque - ISBN : 2702441599
1943, alors que l'armée allemande se remet à grand peine de la défaite de Stalingrad, un charnier est découvert dans la forêt de Katyn, non loin de Smolensk (ex. URSS). Là, sommairement enterrés, les corps de plusieurs milliers de soldats polonais, généraux, officiers, sous-officiers et hommes de troupe, reposent pêle-mêle, entassés les uns contre les autres dans le permafrost gelé de la taïga soviétique.
Pour le ministre de la propagande et de l'éducation du peuple, il s'agit là d'une occasion rêvée de salir la réputation de l'armée rouge en attirant l'attention de la communauté internationale sur les atrocités commises par les soviétiques … et de faire un tant soit peu oublier celles commises par l'armée allemande … et qui mieux que le capitaine Bernie Gunther, ex inspecteur dans la célèbre police berlinoise, aujourd'hui enquêteur pour le bureau des crimes de guerre de la Wehrmacht pour mener la délicate mission de préparer le terrain aux experts de la commission internationale qui viendront constater et expertiser la découverte du charnier et surtout de veiller à ce que rien de fâcheux ne surviennent pendant leur séjour.
Mais ce qui s'annonçait déjà comme une mission délicate ne tarde pas à se révéler être un véritable bourbier où s'accumulent les morts les plus suspectes et les suspects les plus meurtriers. Sommés de résoudre plusieurs affaires d'assassinat mêlant des personnalités haut placées dans la hiérarchie allemande, Bernie Gunther va devoir louvoyer entre les sollicitations et les intérêts de suspects particulièrement dangereux, tenter de neutraliser un criminel particulièrement habile, protéger les membres de la commission, parfois contre leurs propres collègues, le tout en faisant en sorte de préserver sa tête sur les épaules.
Dans ce nouvel épisode des enquêtes de Bernie Gunther, Philip Kerr nous brosse un portrait saisissant de réalisme de l''armée allemande après la défaite de Stalingrad. Une armée bien loin de l'arrogance et de la fierté qui était la sienne aux premières heures de la conquête. On y découvre (avec un étrange plaisir) des personnalités de premier ordre (Goebbels, le ministre de la propagande du Reich, le maréchal von Kluge, surnommé Hans le malin, chef des armées du front est et l'amiral Canaris, directeur des renseignement allemand). Mais, ce qui est particulièrement appréciable, c'est qu'à aucun moment Philip Kerr ne tombe dans le travers (portant répandu) de faire des ces personnages des monstres (ou des personnages monstrueux). Non, il s'attache au contraire à les dépeindre comme des individus ordinaires aux défauts somme toute, eux aussi ordinaires, mais dotés d'un pouvoir extraordinaire. Et cela donne le portrait de personnages gonflés d'orgueils et de cupidité, désabusés quant aux suites de la guerre qu'ils mènent, voir de l'avenir du Reich et surtout plus soucieux de préserver leur train de vie, leur position et leur peau que de tenter de renverser le cour de la guerre.
On y découvre également le tableau de la vie dans les territoires occupés, et plus particulièrement dans les territoires de l'est. La-bas, tandis que la population locale tente de survivre dans la plus grande misère, une clique d'officiers s'offre une vie de châtelains (parties de chasse, mets fins, grands crus, etc.). Mais sous les vernis et les ors de la plus excises mondanité se trament les dessins les plus sombres au nom des intérêts les plus vils … vengeance, trahison, meurtres et corruption à tous les étages, rien n'est trop beau pour conserver son poste et, si possible, se faire une place au soleil.
Bref, une fois de plus, Philip Kerr nous offre un grand polar historique, merveilleusement bien documenté, aux ressorts plus que nombreux et incroyablement bien huilés., le tout dans une intrigue digne des plus grands !!!
Un roman à lire absolument sans aucune modération !!