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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 18:16
Donna Tartt, Le Chardonneret
Donna Tartt, Le Chardonneret

Donna Tartt, Le Chardonneret

Tartt, Donna - Le Chardonneret [The Goldfinch] - Editions Plon, Feux Croisé - 2014. Traduit de l'anglais (américain) par Edith Soonckindt

   Le Chardonneret, dernier roman en date de Donna Tartt, est une sorte d'OVNI littéraire à l'image de ses deux précédant ouvrages : Le Maître des illusions [The Secret History] (1992) et Le Petit Copain [The Little Friend ] (2002).

   Tout d'abord, comme cela a (trop) souvent été souligné, c'est un ouvrage colossal, presque 800 pages !! Personnellement, cela m'aura pris presque un mois pour en finir la lecture !! Non pas que la lecture en soit hermétique ou même ardue car l'écriture de Donna Tartt n'est rien de tout cela. Ample, abondante et d'un abord agréable, elle coule telle un long fleuve paisible et nous porte paisiblement tout au long des aventures du jeune Théodore Decker. Mais l'ouvrage est également remarquablement documenté, et ce sur de nombreux sujets. Sur l'art et l'histoire des arts dans un premier temps. L'histoire (elle-même tragique) du tableau éponyme de l’œuvre s'inscrit en palimpseste de l'histoire du jeune Decker et abonde en anecdotes, toutes succulentes, sur les péripéties de ce tableau du peintre néerlandais Carel Fabritius. Sur l'art des antiquaires et le secret des meubles anciens. A travers les sages conseils de maître Hobie, l'on découvre avec ravissement mille et un trésors sur la façon d'entretenir et de réparer les vieux meubles … puis de les revendre avec profit dirait un certain Théo. Mais surtout (et c'est là, de mon point de vue l'un des domaines d'excellence de Donna Tartt), sur la manière dont les différents psychotropes agissent sur les organismes. Car Donna Tartt nous décrit avec une précision quasi-clinique les modifications, effets et altérations de la sensation, de la perception, induit par les drogues ingérées par Théo et Boris.

   Ensuite, Le Chardonneret est un ouvrage à part, presque inclassable. Pas vraiment un roman policier, bien que l'histoire commence par une mort tragique (celle de la mère du jeune Théodore Decker, morte dans l'attentat d'un musée New-yorkais), elle ne se construit pas autour de la recherche et de la traque des suspects. Pas vraiment un roman d'initiation ou d'apprentissage dans la mesure où le jeune Théodore Decker, livré à lui-même après la mort de sa mère, puis celle de son père (père absent, alcoolique, joueur, drogué), va devoir faire seul l'apprentissage de la vie. Mais là où Le Chardonneret est unique en son genre est qu'à l'inverse des romans d'initiation de facture « classique » où le héros se construit en affrontant l'adversité, Théodore Decker, lui, semble s'effriter et s'effondrer lentement au contact des événement. Après la mort de sa mère (alors qu'il n'a pas 15 ans), Théodore est accueilli ou recueilli par la famille de son meilleur ami, les Barbours. Et l'on se dit alors que ce jeune garçon a bien de la chance d'avoir des amis aussi dévoués. Mais son comportement, son obstination à se draper en martyre, à ne vouloir nouer aucun liens résonne comme un signe de l'isolement qui sera le sien par la suite. Puis, lorsque finalement son père consent à le recueillir chez lui, à Las-Vegas, commence alors un long cycle d'errance et de déchéance qui va le conduire, lui et son acolyte Boris, d’abîmes en abîmes jusqu'à la chute finale. Et ainsi, de Charybde en Scylla, le jeune Théodore Decker semble prendre un malin plaisir à détruire tout le bien que ses proches veulent lui apporter, à vouloir s'isoler toujours plus profondément dans le malheur comme s'il voulait se punir de quelque chose (sans doute de la mort de sa mère).

   Au final, Le Chardonneret reste un ouvrage unique et insolite. Personnellement, j'ai un faible pour l'écriture de Donna Tartt, pour le côté légèrement précieux, pour les références perlées de culture, pour ces univers tout de velours et de cuirs (Old School). Pour sa façon particulière de raconter les « bonnes familles » et les « biens nés », de nous montrer comment malgré leur richesse et leur particules, leur villa dans Les Hamptons et leur Yachts dans les Keys, le moindre accident peut les faire basculer dans la déchéance, la décadence et la délinquance. Il y a quelque de profondément moral dans ses romans si l'on se donne la peine de regarder derrière la noirceur apparente.

[…] mais cela a-t-il du sens de savoir que l’histoire se termine mal pour tout le monde, même les plus heureux d’entre nous, et qu’au bout du compte nous perdons tout ce qui nous tient à coeur…

Donna Tartt, Le Chardonneret, p.784

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  • : Considérations Intempestives
  • : En 1873, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche publiait ses "considération intempestives " en réaction aux dérive de son époque : fièvre identitaire, dérive nationaliste, Enquistement dans la pensée unique. Aujourd'hui, la philosophie, à son tour, s'est peu à peu laissée gagnée par le mal du temps (Il n'y a qu'à lire quelques lignes de Ferry, Finkielkraut et consorts pour s'en convaincre). Seul le roman noir et quelques irréductible philosophes continuent à brandire le pavillon de la critique ... Ce sont eux que je désire vous faire connaître.
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  • Passionné de littérature, de culture et d'art avec une prédilection pour les polars et le jazz, l'auteur désire simplement partager sa passion.
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